Réussir son premier roman – X : Se faire éditer

CONNAÎTRE L’ÉDITION

Y a-t-il un secret pour se faire éditer ? Non. Mais il y a des obligations pour espérer y parvenir, et la première d’entre elles est la suivante : écrivez un bon livre ! Pour être publié, c’est la meilleure méthode… Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi choisir les bons éditeurs, et leur envoyer votre roman dans les formes. Pour faciliter votre recherche d’un éditeur, la première chose à faire sera de vous familiariser avec le monde de l’édition : comment trouver un éditeur si vous ne savez pas qui ils sont ? Les éditeurs ont des lignes éditoriales qui leur sont propres, ils ont parfois plusieurs collections, plusieurs marques… Il existe plusieurs magazines littéraires en France, n’hésitez pas à vous abonner à l’un d’eux : si vraiment vous voulez devenir écrivain, cela ne vous fera pas de mal de vous tenir au courant de l’actualité littéraire et éditoriale ! De même, profitez des salons du livre, il y en a presque tous les week-ends, et ce sont souvent de bonnes occasions de rencontrer des éditeurs. Avec l’arrivée du numérique, l’édition est un monde en perpétuelle mutation. Il existe aujourd’hui de nombreux auteurs qui publient leur premier roman uniquement en numérique, et parfois avec un succès tout à fait honorable. C’est une option à laquelle vous pouvez songer, en vous méfiant des arnaques… Renseignez-vous bien ! Et n’oubliez pas ce que je vous disais en introduction : plus de 98% des écrivains ne vivent pas de leur plume !

LE CHOIX DE L’ÉDITEUR

Une fois que vous vous serez familiarisé avec le monde de l’édition, vous pourrez sélectionner les éditeurs auxquels il sera le plus judicieux d’envoyer votre manuscrit. Si vous avez écrit un roman de Science-Fiction, vous saurez qui en publie, et qui n’en publie pas. Un polar ? Idem ! Inutile de vous dire que votre livre ne sera pas lu si vous vous trompez de cible. Or le papier coûte cher, évitez les gaspillages ! Et si vraiment vous avez peur de vous tromper, n’oubliez pas non plus que vous avez sûrement, près de chez vous, un libraire, et que les libraires sont vos amis ! Mieux que quiconque, les libraires connaissent les politiques éditoriales des diverses maisons d’édition , et si vous venez humblement et gentiment parler de votre projet à votre libraire, il saura sans doute vous conseiller ! Pour le remercier, achetez-lui un livre. Bon, d’accord, l’un des miens, si vous insistez… J’aurais tendance à vous conseiller d’envoyer votre manuscrit, dans un premier temps, aux quatre ou cinq éditeurs qui correspondent le mieux à votre livre. L’envoyer à trop d’éditeurs serait une perte de temps, pour vous, comme pour eux. Idéalement, essayez de connaître le nom des directeurs de collection, afin d’adresser votre manuscrit à une personne en particulier. Cela prouve déjà que vous vous intéressez à ce qu’elle fait ! Soyez patient, les réponses sont parfois très longues à venir…

PRÉSENTER SON MANUSCRIT

Si, lors de l’envoi d’un premier roman, une petite lettre de présentation s’impose (avec une très courte bio et un court résumé de votre livre, et surtout, absolument aucune faute d’orthographe !), n’oubliez pas que la seule chose dont l’éditeur va vraiment juger, c’est votre manuscrit. Il est donc important de le présenter convenablement, pour vous assurer toutes les chances qu’il soit lu avec plaisir ! Voici quelques conseils sur la forme que devrait avoir votre manuscrit : – Cela peut paraître évident, mais je précise tout de même : on imprime sur du papier blanc, en A4… – Une couverture sobre (cela ne sert à rien de faire votre propre couverture, avec une magnifique illustration, etc… Cela peut même vous desservir. En général, les éditeurs le savent, quand un auteur envoie son texte avec une magnifique couverture illustrée, c’est qu’il n’est pas suffisamment sûr de la puissance de son récit…). La page de couverture de votre livre ne comportera que deux choses : vos coordonnées et le titre de votre livre ! Point final. – Le corps du texte : écrit en Times New Roman (n’essayez pas d’être original, cela aussi vous desservira…), entre 12 et 15 points, en double interligne, avec des paragraphes justifiés, et avec de belles marges à gauche et à droite, pour laisser de la place à la correction. En moyenne, mis en forme, votre manuscrit devrait contenir à peu près 2 000 signes par page, espaces compris (pour vous en assurer, utilisez la fonction « statistiques » de votre traitement de texte…) – Numérotez les pages. – Suivez la présentation usuelle des romans publiés chez les grands éditeurs (alinéas en début de paragraphe, pas de saut de ligne entre les paragraphes, tirets cadratins pour les dialogues, espaces insécables avant les ponctuations doubles, etc…). Familiarisez-vous avec les règles de typographie, pour montrer que vous savez ce que c’est qu’un roman publié. – Imprimez recto seulement. Pas de recto-verso !

CONCLUSION

Voilà. Maintenant que vous avez envoyé votre manuscrit en mettant toutes les chances de votre côté, ce sera au destin (enfin, aux éditeurs…), de choisir ! Mais plus vous aurez porté d’attention à votre roman, à son écriture, et à sa présentation, plus vous aurez de chance de recevoir une réponse positive. Et si ce n’est pas le cas, ne perdez pas espoir ! Souvenez-vous de ce que je vous ai dit en introduction : certains grands auteurs, comme Stephen King, ont essuyé de nombreux refus avant de parvenir à éveiller l’intérêt d’un éditeur. En outre, à chaque nouvelle tentative, vous allez vous améliorer. Et vous le ferez toute votre vie. Chaque livre qu’on écrit est une nouvelle leçon d’écriture. J’espère, toutefois, vous voir donné quelques pistes utiles. Ce ne sont que quelques petites idées en vrac, qui ne demandent qu’à être complétées (je le ferai sans doute un jour dans un ouvrage plus détaillé), et qui ne sont pas l’unique et seule vérité. Chacun a la sienne. Mais j’espère que cela pourra vous aider un peu… Et n’oubliez pas, ce qui compte, surtout, c’est la PERSÉVÉRANCE. À vous de jouer !

Réussir son premier roman – IX : Premier jet, deuxième jet…

SE LANCER DANS LE PREMIER JET !

Une fois votre plan terminé, c’est le jour J : lancez-vous ! Et ne vous retenez surtout pas ! Lors du premier jet, l’essentiel est d’avancer, quitte, parfois, à laisser un peu de côté certains passages sur lesquels vous reviendrez plus tard, afin de ne pas perdre votre souffle. À titre personnel, j’ai une façon un peu particulière d’écrire, mais je sais que plusieurs de mes confrères ont une technique assez similaire : l’après-midi, j’écris, vite, sans trop me relire, j’avance, je fonce. Le lendemain matin, je retravaille ce que j’ai écrit la veille, et j’obtiens donc déjà un premier « deuxième jet ». Cette technique a deux avantages : d’abord, vous avez le sentiment d’avancer, et vous ne vous freinez pas dans la phase d’écriture. Ensuite, le lendemain, vous revenez sur votre texte en ayant pris du recul. Ne dit-on pas que le nuit porte conseil ?
Si vraiment vous croyez à votre projet, alors je ne saurais trop vous conseiller, une fois que vous êtes lancé, d’écrire tous les jours. Absolument tous les jours ! Croyez-moi : on perd très rapidement le fil, quand on laisse passer trop de temps entre deux sessions d’écriture. Pour garder une vision cohérente, une vision d’ensemble de son projet, il faut vivre dedans au quotidien. Plus vous laisserez passer de temps entre vos séances de travail, plus vous aurez de peine à retrouver le fil de votre livre, le ton de votre écriture, même, et il est des milliers d’auteurs merveilleux dont nous n’avons malheureusement jamais entendu parler parce que leurs tiroirs sont emplis de romans inachevés !
Si vous avez besoin de vous motiver, obligez-vous à certaines règles. Un chapitre par jour, par exemple. Ou un certain nombre de mots. Et efforcez-vous de les respecter. Allez, je vous donne encore une petite astuce, un petit secret : le soir, quand je décide de m’arrêter d’écrire, j’aime bien commencer une phrase, et ne pas la finir. C’est un petit jeu idiot, mais efficace : le lendemain, je n’ai qu’une seule envie, courir sur mon ordinateur pour terminer cette fichue phrase !

LA FORME

L’écriture de votre roman, à présent, va nécessiter une chose dont vous pouviez vous passer dans les étapes précédentes : le style. Oui ! Le style, nous l’avons vu plus tôt, est au moins aussi important que l’histoire ! Un bon roman, c’est un roman où l’équilibre est réussi entre le fond et la forme. Les jeunes auteurs, il faut bien l’avouer, ont souvent tendance à négliger le style. Ayant été lecteur professionnel aux éditions J’ai Lu il y a une vingtaine d’années, j’ai vu arriver des manuscrits au style absolument épouvantable, et je ne vous cache pas que ces manuscrits… ne sont pas lus ! Quand, dès la première page, le texte est empli de fautes d’orthographe, de syntaxe, de grammaire, ou que le style est trop maladroit, il tombe vite des mains ! Je vais être un peu dur : si vous ne savez pas écrire, apprenez à le faire avant d’envoyer votre manuscrit !
Écrire, cela s’apprend. La meilleure école, bien sûr, c’est la lecture attentive. Analysez le style des livres que vous lisez, des livres que vous aimez. Etudiez la construction des phrases, la richesse du vocabulaire… Si vous sentez que le style est chez vous un point faible, alors n’hésitez pas, même, à vous lancer dans la lecture d’ouvrages sur la stylistique. Il en existe beaucoup ! Apprenez à chasser les répétitions, à enrichir votre champ lexical, à rythmer vos phrases (n’hésitez pas à vous lire à haute voix, par exemple, pour « sentir » votre phrase), à améliorer votre syntaxe. Apprenez à adapter votre style au sentiment que vous voulez transmettre…
Le principal défaut que l’on retrouve chez les « débutants » (j’ai horreur de ce mot…), c’est un manque de maîtrise du temps. Réfléchissez bien au temps que vous utilisez dans la narration. Pourquoi raconter au présent ? Pourquoi raconter au passé ? Quelle est la différence entre un imparfait et un passé composé ? Il vous faut une bonne raison, mais une fois que vous avez choisi le temps de votre narration, restez fidèle à votre choix ! Et surtout : attention à la concordance !
Un dernier mot, enfin, sur les descriptions. C’est souvent ce qu’il y a de plus ennuyeux à faire, les descriptions (enfin, pas pour moi… j’adore ça, mais je suis un peu pervers…). Et pourtant, décrire l’univers dans lequel évolue vos personnages est essentiel. Il ne faut pas hésiter à situer chaque scène dans l’espace. Donner des couleurs, des sons, des lumières, des odeurs, donner de la vie à votre scène ! De même, n’hésitez pas à couper vos dialogues de quelques petites descriptions (rien de pire que de longues pages de dialogues continus…), mettez vos personnages en mouvement, faites-leur faire quelque chose, même quand ils parlent. Allumer une cigarette, boire un verre… Bref, faites-en de véritables êtres humains, et permettez à vos lecteurs d’entrer dans votre roman en lui donnant de la consistance.

LE DEUXIÈME JET, ET LES SUIVANTS…

Une fois votre premier jet terminé, si vous pensez que le travail est fini, vous avez peu de chance de trouver un éditeur ! Rares sont les génies qui, dès leur premier jet, ont livré le meilleur roman qu’ils pouvaient écrire, et j’ai trop souvent vu de jeunes auteurs négliger le temps de la réécriture et se priver ainsi de la chance d’élever leur roman au niveau qui aurait pu leur permettre d’attirer l’attention d’un éditeur.
Le deuxième, et parfois le troisième, quatrième ou cinquième jet, c’est la couche de vernis nécessaire qui va terminer votre œuvre. Vous ne pouvez absolument pas vous en priver, et la satisfaction d’avoir « terminé » ne doit surtout pas vous faire baisser votre garde. Laissez passer quelques semaines, et remettez-vous au travail !
Retravailler un roman, cela ne se fait pas en quelques jours. C’est souvent un travail long, parfois aussi long, parfois même plus long que le premier jet ! Il est important, une fois le premier jet terminé, de prendre le temps de la réflexion, de chercher des avis extérieurs en faisant lire ce premier jet à des proches, puis de le relire vous-même avec le recul que vous aurez pris. S’il y a des passages que vous sautez vous-même en relisant votre livre, par exemple, c’est très mauvais signe : il y a de fortes chances que ces passages soient ennuyeux pour vos lecteurs ! Il faut alors vous y plonger de nouveau, chercher un moyen de rendre ces passages agréables à lire, en les coupant, en les réarrangeant, en changeant le style…
Sans vouloir paraître excessif, je pense que vous ne devriez pas estimer que votre livre est terminé tant que vous n’êtes pas fier de chaque phrase qui s’y trouve ! Posez-vous toujours la question : est-ce que je ne peux pas faire mieux ? Parfois, retravailler un roman peut prendre des mois ou des années, mais si ce travail vous permet de vous faire publier, il serait bien dommage de ne pas le faire, non ?

Réussir son premier roman – VIII : La Bible et le plan

LA DOCUMENTATION

Une fois la première version de votre synopsis achevée, je vous conseille fortement de rédiger une « bible ». Pour ce faire, la documentation est quasiment indispensable. Elle peut-être minimaliste et inconsciente (ne passe-t-on pas sa vie à se documenter sur soi-même et autrui ?), ou elle peut être acharnée (c’est souvent le cas dans la littérature de genre). Mes romans L’Apothicaire, Le Mystère Fulcanelli ou J’irai tuer pour vous m’ont, par exemple, demandé des années de recherche !
Dans le cas où elle est acharnée, elle peut s’avérer à la fois salvatrice et dévastatrice. Un roman où le lecteur sent trop la documentation à travers le texte est souvent indigeste (une mauvaise utilisation de Wikipedia, par exemple, peut devenir catastrophique). La plupart d’entre nous est passée par là dans ses premiers romans : on a passé tant de temps à se documenter qu’on se croit obligé de tout mettre dans le récit, ce qui donne souvent de longs et lourds passages didactiques des plus désagréables… Il est primordial de ne garder que l’essentiel, de ne pas perdre de vue son récit, et de prendre le temps de digérer toutes les informations que l’on a réunies pour les intégrer le plus naturellement possible à son histoire, sans l’alourdir.
L’objet d’une bonne documentation est double : inscrire le récit dans un contexte crédible, riche, profond, mais aussi, éventuellement, offrir au lecteur le plaisir de découvrir un univers ou un sujet qu’il ne connaît pas forcément. Voltaire disait : «  Il faut savoir s’instruire dans la gaieté. Le savoir triste est un savoir mort. L’intelligence est joie. », et cette phrase à elle seule pourrait résumer ce que doit être un bon roman : un texte dont le lecteur peut tirer quelque enseignement (fût-il philosophique, historique, scientifique…) tout en se divertissant.
Le but de la documentation n’est pas d’écrire un essai, mais de donner du corps à son récit. Parfois, il suffit d’un petit rien pour donner ce niveau de crédibilité essentiel à son histoire. Mais souvent, l’auteur n’obtient ce petit rien qu’après s’être beaucoup documenté. C’est à lui, et non pas au lecteur, de trier le bon grain de l’ivraie.
Il suffit parfois d’être très précis sur un ou deux petits détails pour que le lecteur ait le sentiment que l’auteur sait de quoi il parle, sentiment suffisant (et essentiel) pour être plongé dans un univers réaliste.

LES BONNES SOURCES

Personnellement, pour mon travail de documentation, je privilégie toujours deux sources : les bibliothèques et les spécialistes, et je me méfie beaucoup de Wikipedia ou des sites personnels… Certains peuvent être excellents, mais beaucoup sont truffés d’erreur, et Wikipedia en tête (anecdote : pendant des mois, ma fiche Wikipedia indiquait que j’étais autrichien ! Euh… Ah bon ???).
Les bibliothèques ont le double avantage d’être, par définition, très fournies en documentation et d’offrir un cadre de travail très agréable pour l’écrivain. C’est souvent un havre de paix, où l’on n’est pas dérangé par le téléphone, par le bruit, par les siens, et où les tentations (pires ennemis de l’auteur) sont absentes : pas de télévision, pas de console de jeux, pas de copain qui passe boire un verre, etc…
Interviewer des spécialistes (avocat, historien, flic, médecin…) représente un avantage non négligeable : comme on choisit ses questions, on va directement à l’essentiel. Plutôt que de devoir lire trois livres sur un sujet pour en tirer la substantifique moelle, on obtient directement ce que l’on cherche. C’est souvent un gain de temps remarquable, et il n’est pas rare même de trouver de nouvelles idées au cours de ces échanges. Vous serez étonnés de découvrir combien les gens sont prêts à faire partager leur savoir, et il est bien plus facile qu’on le croit d’obtenir des entrevues avec des spécialistes, à condition bien sûr de ne pas arriver les mains dans les poches, et d’avoir préparé son entretien.
Internet est, on s’en doute, un outil à la fois merveilleux et diabolique. L’attitude de l’écrivain face à l’information qu’il peut trouver sur le net doit être celle du journaliste : il faut multiplier les sources, les confronter, car on y trouve le pire et le meilleur. Il y a toutefois un véritable bijou sur Internet : Gallica, le site de la BNF, ainsi que d’autres sites comme Google books, Le Projet Gutenberg, ou Persée, où l’on peut trouver de nombreux ouvrages numérisés qui, en plus de vous éviter de vous déplacer jusqu’à une ou plusieurs bibliothèques, permettent souvent d’utiliser des fonctions de recherche intégrées.
Très souvent, la documentation ne sert pas seulement à enrichir le corps du récit, mais aussi à vous amener vers de nouvelles idées. En effet, comme, à l’évidence, elle a lieu avant la rédaction de votre roman, il n’est pas rare que, en vous documentant, vous tombiez sur une idée nouvelle, qui vient modifier votre premier synopsis. Il est préférable, d’ailleurs, que cette modification ait lieu maintenant, avant la rédaction, plutôt qu’après…

REDIGER SA BIBLE

La bible est, pour moi, un document complémentaire au synopsis ; il est celui dans lequel je résume tout ce que ma documentation m’a apporté et qui va me servir dans mon roman, et dans lequel je développe la toile de fond, l’univers de mon histoire. C’est un document vers lequel vous allez pouvoir revenir régulièrement au cours de votre écriture, une sorte de pense-bête géant, que vous pouvez même enrichir au fur et à mesure de la rédaction de votre livre.
Certaines de mes bibles sont des documents assez courts, d’autres font plusieurs dizaines de pages, surtout quand elles servent à plusieurs tomes d’une même série. En général, j’y développe les trois points suivants :

Les personnages principaux : pour chacun d’entre eux, je m’applique toujours à les « connaître » avant de les décrire. À l’évidence, il est important d’avoir une idée précise de l’apparence physique de vos personnages, mais cela ne suffit pas. Il m’arrive de « savoir » sur mes personnages des choses dont je ne parlerai même pas dans le roman. Qui étaient leurs parents ? Où sont-ils nés ? Qu’aiment-ils ? Quelles sont leurs blessures ? Pour qu’un personnage ait de l’épaisseur, il faut que vous lui en ayez donné au moment de sa conception. Pour qu’il soit « humain », il faut qu’il soit aussi complexe que l’est une personne authentique.
La rubrique des personnages principaux doit aussi prévoir l’arc narratif que va suivre le personnage au cours du roman : les conflits internes ou externes qu’il va devoir affronter, ses défis, et leur résolution. Il est intéressant de réfléchir, à l’avance, à ce qui va transformer votre personnage, quelle va être son initiation…
Pour moi, ce qui fait la force d’un livre, ce n’est ni son genre, ni son contexte. Ce sont les personnages. Plus ils sont profonds, crédibles, vivants, plus votre roman – à mon avis encore une fois – sera fort. Il ne faut pas hésiter à fouiller le passé de vos personnages, à savoir ce qui va motiver leurs choix. N’hésitez pas à vous inspirer de gens que vous connaissez…

Le contexte historique : votre roman n’a pas besoin d’être situé dans le passé ou le futur pour que vous ayez besoin de réfléchir à son contexte historique, et il peut être important de développer une chronologie dans votre bible. À l’évidence, cela devient capital quand vous écrivez un roman historique, fût-ce dans un passé proche ou lointain. Quels sont les événements historiques (réels, ou même imaginaire) auxquels votre personnage est confronté ? Selon l’impact de ceux-ci sur votre roman, vous pourrez être amené à étudier ceux-ci en profondeur, et garder dans votre bible une trace de ce que vous avez trouvé en vous documentant est souvent capital.

Les lieux et l’univers : à titre personnel, j’essaie chaque fois que possible d’aller visiter les principaux lieux que je vais décrire dans mes livres, et je prends de nombreuses notes lors de ces visites de reconnaissance. Quand la chose n’est pas possible, je me documente. N’oubliez pas que vos personnages vont avoir besoin de s’incarner dans un espace crédible, réaliste. N’oubliez pas non plus que, parfois, les lieux eux-mêmes deviennent des personnages ! Mieux vous aurez préparé leur description, plus vous leur donnerez de caractère ! Il n’est pas rare que je passes des jours à me documenter sur un lieu avant de le décrire, comme la bibliothèque Sainte-Catherine du Sinaï dans L’Apothicaire, ou le Beyrouth des années 1980 dans J’irai tuer pour vous. Dans ma bible, je prends des notes précises sur leur architecture, leur état au moment de mon récit, les couleurs, les odeurs, les sons… Plus vous en saurez sur les lieux que vous décrivez, plus vos lecteurs s’y sentiront plongés !
N’oubliez pas que la chose s’applique aussi pour des romans fantastiques, de science-fiction ou de Fantasy ! Ce n’est pas parce que c’est vous qui inventez les lieux que vous ne devez pas les connaître à l’avance ! Le travail est alors un peu différent, ce n’est plus de la documentation, mais de la création. Il n’en reste pas moins que mes bibles pour La Moïra ou Gallica étaient au moins aussi épaisses que celles de mes romans historique

LE PLAN DÉTAILLÉ

Une fois mon pré-synopsis et ma bible terminés (encore que la bible est souvent un document en perpétuelle mutation), je m’attaque au plan détaillé de mon roman. Encore une fois, beaucoup d’auteurs sautent cette étape, et ne font pas pour autant des livres moins bons ! C’est un choix personnel, qui me permet de savoir précisément où je vais, et donc de me concentrer davantage sur le style au moment de la rédaction. Il n’empêche que, pour un premier roman, je ne saurais trop vous conseiller de passer par cette étape, qui vous évitera sans doute quelques écueils.
Mes plans varient entre trois et quinze pages, en moyenne. Il s’agit de la liste intégrale de tous les chapitres, et du résumé de ce qu’il se passe dans chacun d’entre eux. C’est, pour moi, une étape capitale, et peut-être même la plus importante, car c’est celle où je peux travailler en profondeur l’ossature de mon livre, la modifier, l’améliorer, la rendre plus efficace, plus surprenante, et il est bien plus facile de modifier la charpente d’une maison avant qu’elle soit construite, plutôt que de devoir refaire toute la maison si on décide de la transformer trop tard…
Petite astuce : quand j’utilise plusieurs points de vue narratif dans mon livre (c’est-à-dire que l’histoire ne suit pas le point de vue d’un seul personnage, mais de plusieurs), j’assigne à chacun de ces points de vue narratifs une couleur, ce qui me permet de juger de l’équilibre de mon plan, en le regardant de loin…
Le rythme est, pour moi, un élément majeur dans l’écriture. Et à tous les niveaux. Le rythme de la phrase, le rythme de l’intrigue, le rythme du chapitre, et le rythme du roman dans sa globalité. Bref, il faut soigner cet aspect purement technique de l’écriture. Comme un conteur qui doit capter l’attention de ses auditeurs, l’écrivain doit retenir celle de ses lecteurs. Parfois, on a le don inné du rythme, cela vient tout seul. Ce n’est pas mon cas. La solution réside alors dans l’élaboration précise de ce plan détaillé. Personnellement, je passe plus de temps à préparer mes romans qu’à les écrire. Je réfléchis pendant de longs mois à leur structure, à la façon de présenter l’intrigue, de la construire.

Je vous livre ici, pour l’exemple, le début du plan que j’ai utilisé pour mon roman J’irai tuer pour vous, afin de vous donner une idée du niveau de détail dans lequel j’entre à cette étape. Vous remarquerez aussi les couleurs assignées aux différents points de vue.

LIVRE PREMIER : « EL FURIBUNDO »

1. 7 juin 1985, Argentine : Dernière mission de Marc comme mercenaire. La mission finit mal (il sauve une petite fille et sa mère alors qu’il n’était pas là pour ça – la mère se fait tuer par leurs poursuivants). Il s’enfuit…

2. 7 décembre 1985, Paris : Attentats du Printemps et des Galeries Lafayette. Partie 1 (on suit le point de vue d’un personnage médecin).

3. Carnet Masson n°1 : 12 ans, Bolivie, scène de la mort du cheval de son grand-père, premier contact de Marc avec l’acte de tuer. La scène commence par « Je m’appelle Marc Dasson et je suis un assassin….»

4. 7 décembre 1985, Paris : Attentats de Paris, partie 2

5. 8 décembre1985, Montevideo : Des mois après sa mission ratée en Argentine, Marc s’est enfui et a trouvé du travail à Montevideo, usine de trafic de viande. Il entend parler des attentats en France. Le portail de son entrepôt est de nouveau cadenassé (son patron ne paye plus le loyer). Marc roué de coup par les ouvriers du propriétaire. Il perd connaissance…

6. 8 décembre 1985, Paris : Olivier Dartan, de la DGSE, assiste à une réunion de crise place Beauvau. Les différents services n’ont aucune piste. Dartan, plus malin que les autres, évoque toutefois les otages au Liban et donc Eurodif…

7. Carnet Masson 2 : 13 ans, accident du père à Lorient : Marc et sa sœur l’apprennent en rentrant de l’école.

8. 8 décembre 1985, Paris : Rencontre entre « Ali » et « Abdel » dans le sous-sol d’un restaurant du 18e, pour structurer la logistique des prochains attentats. Abdel demande à Hassan de recruter de nouveaux membres à Paris…

9. 8 décembre 1985, Montevideo : Marc se réveille dans le caniveau deux cents mètres plus loin…  Il n’a plus rien, plus de papiers, plus d’argent… Sauvé par un prêtre qui l’héberge dans son église.

ETC…