Réussir son premier roman – III : Où trouve-t-on ses idées ?

OÙ TROUVEZ-VOUS VOS IDÉES ?

On trouve ses idées de roman dans le plus grand magasin qui soit : la vie.
On les trouve dans les événements que l’on vit, les choses que l’on lit, que l’on voit, les personnes que l’on rencontre, les bonheurs et les malheurs que l’on traverse… On les trouve dans ce que l’on connaît. « L’essentiel, pour tout écrivain, est d’écrire sur ce qu’il connaît », affirme Stephen King.
Des idées de romans, nous en rencontrons tous des centaines, tous les jours. La difficulté consiste à les reconnaître et à les saisir. D’où l’importance du carnet. Avoir le réflexe de noter ses idées, cela s’apprend, cela se travaille et, à terme, cela paye ! Un romancier, c’est avant tout quelqu’un qui sait regarder, qui sait écouter, et qui analyse tout ce dont il est le témoin.
L’idée de départ d’un roman peut être un simple personnage (fictif ou réel), un fait divers, une information, un élément de l’Histoire, une anecdote familière, un concept (et si ?)…

UNE SEULE IDÉE ??

Toutefois, personnellement, je ne crois pas qu’il suffise d’une seule idée pour concevoir un roman tout entier. Je crois que c’est de la confrontation de plusieurs de ces éléments que naît l’idée d’un roman. Si l’on part d’un seul et unique fait divers, par exemple, pourquoi écrire un roman plutôt qu’un document ? C’est bien parce que l’on veut ajouter quelque chose à ce fait divers que l’on penche pour la forme romanesque : une interprétation, une grille de lecture, un personnage…
Pour ma part (et je rappelle que mon cas ne fait pas école…), il y a souvent un peu de tout cela et, pour tout dire, ce n’est jamais vraiment de l’un de ces seuls éléments que naissent mes livres. Au tout début, il y a d’abord la volonté de traiter d’une question générale, oserais-je dire philosophique ? Dans La Moïra, je voulais traiter de la problématique du vivre ensemble ; c’est pour servir ce propos que j’ai choisi de raconter une histoire d’hommes et de loups. Dans Le Testament des siècles, je voulais traiter de la question de la solitude de l’homme au sens large (y compris dans son questionnement quant à l’existence ou non d’un principe divin…). Dans Les Cathédrales du vide, je voulais traiter de l’inanité – émouvante – de notre effort à vouloir donner un sens à nos vies, et le roman commence d’ailleurs par une citation de Cioran : « Tout le secret de la vie se réduit à ceci : elle n’a aucun sens, chacun de nous, pourtant, lui en trouve ». Dans L’Apothicaire, je voulais traiter de la quête de l’Autre, et dans Nous rêvions juste de Liberté, je voulais poser la question de la possibilité d’être libre parmi le nombre. Dans J’irai tuer pour vous, je me posais la question des limites de la Raison d’état, et celle de l’éthique complexe d’un assassin de la République… Une fois cette question générale trouvée (question que je veux donc poser à moi-même et au lecteur), je cherche une histoire qui va pouvoir illustrer au mieux cette problématique. Une sorte de parabole, en somme…
Il m’arrive alors, presque toujours, de trouver non pas un mais deux ou trois sujets qui peuvent facilement être liés (des faits historiques, des découvertes scientifiques, des faits divers, etc…) et qui, ensemble, vont pouvoir illustrer l’idée générale du roman. Et c’est seulement quand j’ai tous ces éléments que je peux commencer à construire mon synopsis (sujet sur lequel nous reviendrons plus tard).
« Le mot ne manque jamais quand on possède l’idée », disait Gustave Flaubert. Êtes-vous capable de résumer l’idée de votre roman en une ou deux phrases, de le « pitcher », comme on dit dans le milieu du cinéma ? Si ce n’est pas le cas, il y a de fortes chances que vous n’ayez pas vous-même une idée assez précise de ce que vous voulez faire…

PATIENCE ET LONGUEUR DE TEMPS

L’idée d’un roman, toutefois, ne vient que très rarement d’un seul coup. Elle est, la plupart du temps, la somme de plusieurs pensées, qui vous sont venues à divers moments de votre vie, de plusieurs envies qui, soudain, s’assemblent et donnent naissance à cette drôle d’entité.
Pour ma part, mes « idées » de romans me viennent en un temps assez long. Le chemin qui m’amène à l’idée finale dure entre un et deux ans. Presque toujours, l’idée de mon prochain roman s’échafaude, au plus tard, lors de la rédaction du précédent. Parfois bien avant. Il peut se passer dix ans avant qu’une « vieille » idée de roman ne se concrétise enfin…
Beaucoup d’écrivains connaissent cette impression étrange de l’idée subite, comme miraculeuse, qui survient parfois après une longue période de sécheresse. Un matin, on se réveille, et on a l’impression que le roman est là, devant nous, entier, évident, et que tout ce qui nous empêchait de dégager labonne idée s’est prodigieusement résolu dans la nuit. Ce n’est évidemment qu’une impression. En réalité, la chose relève de la neuroscience : notre cerveau, pendant ladite période de stérilité, travaille « en tâche de fond ». Les idées se regroupent dans notre subconscient, sur une longue période, et soudain, on les reconnaît.

BRAINSTORMING !

Une fois l’idée originale trouvée, elle se travaille. Il y a bien des manières de faire mûrir une « idée de départ », mais toutes reposent sur le principe suivant : la contradiction est le moteur de la réflexion. En somme, il faut attaquer son idée comme on prend d’assaut une forteresse, chercher ses faiblesses, la pénétrer, puis la fortifier, l’approfondir, la fouiller, la pousser aussi loin que possible, quitte à revenir en arrière. Souvent, pour ce faire, il est utile de soumettre cette idée à quelqu’un d’autre. À un ami, un conjoint, un autre écrivain, ou, quand on a la chance d’en avoir déjà un, à son éditeur. Les remarques ou objections qu’untel pourra formuler vous obligeront à consolider cette idée de départ jusqu’à ce que vous ayez le sentiment qu’elle est devenue mature.
Pour ma part, j’ai remarqué que je ne travaillais jamais aussi bien sur mes idées de romans que quand j’étais au volant. Pour des raisons de sécurité routière, j’hésite à donner ce conseil, mais il n’empêche que, en conduisant, mon esprit atteint cet état particulier de vagabondage, finalement assez proche de l’hypnose, qui permet de se concentrer paisiblement sur son idée, de chercher librement l’inspiration, de tester telle ou telle solution, etc…
Au final, vous ne vous lancerez dans l’écriture que quand vous serez pleinement satisfait de votre idée de départ. Croyez-vous en votre idée ? En sa puissance ? Êtes-vous prêt à la défendre ? Car la route va être longue : autant choisir savamment votre compagnon ! Si, avant même de commencer, vous ne croyez pas totalement en votre livre, c’est que vous n’êtes pas encore prêt à l’écrire. Attention ! Il ne s’agit pas de se laisser décourager par le regard d’autrui. Il s’agit d’être sûr de vous, de ce que vous avez à dire, quoi que les autres puissent en penser.